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Living with the Lions, petites et grandes histoires d'un documentaire mythique
Living with the Lions, petites et grandes histoires d'un documentaire mythique

L'Équipe

time7 hours ago

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Living with the Lions, petites et grandes histoires d'un documentaire mythique

Film culte pour des générations de passionnés, le documentaire tourné en immersion pendant la tournée des Lions en Afrique du Sud en 1997 vaut presque autant par ses coulisses que par son contenu. En Angleterre, on prétend que les meilleures idées naissent dans les pubs, quand le brouillard et le houblon l'emportent sur la raison, juste après avoir salué pour la huitième fois de la soirée la même personne. On prétend que les très mauvaises idées naissent souvent au même moment, dans la même maternité. Parfois, phénomène prouvé par les plus grands chercheurs, il s'agit de la même illumination. Elle se transforme, tout simplement. Dans un sens ou dans l'autre. C'est ce qui est arrivé à Fred Rees et Duncan Humphreys, joyeuse doublette de quinquas anglais. Retrouvons-les en 1997, tard dans la nuit. « Duncan et moi sommes des fans de rugby, raconte Fred Rees. Nous y avons joué nous-mêmes (son acolyte a porté le maillot des Harlequins). Ce soir-là, au pub, on avait bu trop de bière. Ça devait être la dix-huitième ou la vingt-huitième tournée, je ne sais plus. On n'était plus tout à fait étanches et on parlait de rugby, de nos vies... En ce temps-là, nous tournions des spots de pub pour des serpillières et des seaux essoreuses. On avait envie de faire un truc plus fun. Et soudain, l'un de nous a lancé cette idée de tourner un film sur les Lions, de l'intérieur. En général, et c'est heureux, le lendemain, tu renonces aux résolutions prises dans un pub à une heure trop avancée. Pas cette fois. J'avais le numéro de Fran Cotton, le manager des Lions. Je l'ai appelé. Il se trouve qu'on tombait bien. » 30 000 livres pour avoir les droits C'est important d'avoir la bonne idée mais c'est encore mieux de l'avoir au bon moment. Duncan et Fred proposent de tourner un documentaire qui embrasserait toute la tournée 1997, du premier rassemblement, en passant par les jeux de rôles et autres missions dignes d'Intervilles pendant le team building, jusqu'au périple complet en Afrique du Sud, ponctué par les trois tests. Leur projet tombe à point car l'institution Lions se sent menacée. « En 1997, il s'agit de la première tournée depuis que le rugby est devenu professionnel (deux ans plus tôt), indique Fred Rees. La survivance de ces tournées à rallonge à l'intersaison commençait à être remise en question. Les clubs payaient des joueurs et ils avaient plutôt envie qu'ils se reposent en juillet. Bref, on parlait de tuer les Lions. D'autant que les résultats n'étaient pas brillants (en 1993, ils avaient perdu 2-1 la série en Nouvelle-Zélande, en concédant quatre défaites supplémentaires contre des provinces). C'est pour cela que notre idée de film, cette exposition sous un nouvel angle, a tout de suite intéressé leur manager. Fran Cotton nous a dit immédiatement oui et donné le tarif : 30 000 livres pour avoir les droits. C'était une putain de somme pour nous. Exorbitant. Mais Fran nous a rassurés en nous certifiant qu'on revendrait facilement notre film à Sky ou à la BBC qui coproduiraient volontiers. » « J'ai eu l'idée d'hypothéquer ma maison... » Fred Rees, co-auteur du documentaire Nos deux acolytes avaient tellement envie d'y croire qu'ils y ont cru. Mais le doigt va bientôt atterrir dans l'oeil, en plein milieu. « Les chaînes nous ont envoyés promener, se rappelle Duncan. Ils nous ont tous dit : ''Vous êtes des tarés les mecs ! Les Lions, c'est fini. En plus, en Afrique du Sud, ils vont se faire massacrer. Ça ne nous intéresse pas.'' C'est là qu'on a commencé à flipper. On s'était engagés et on se demandait où on trouverait l'argent. » « Voilà comment, annonce Fred, dans un élan de grande stupidité, ou de grande sagesse, j'ai eu l'idée d'hypothéquer ma maison. On avait l'impression d'être deux gars avec un gros boulet aux pieds. » La bonne idée née dans le pub venait de se changer en idée de malheur. Plus tard, elle se transformerait de nouveau, en idée de génie, une fois pour toutes. En 1997, un an avant Les Yeux dans les Bleus de Stéphane Meunier, la forme du documentaire inside, au coeur d'une équipe pendant une grande compétition, est encore avant-gardiste. « Living with the Lions n'est pas le premier doc ''derrière la scène'', précise Duncan Humphreys. Il y en avait eu un par exemple dans les années 1970 sur le club de foot de Derby County, un autre sur une équipe de cricket. En creusant notre idée, on s'était même demandé si le genre n'avait pas été mortellement blessé, du moins en Angleterre, par le retentissement négatif qui avait suivi le film en immersion sur l'équipe nationale de foot. » En 1993, le manager de la sélection anglaise Graham Taylor avait accepté la présence d'une équipe de tournage tout au long des qualifications à la Coupe du monde aux États-Unis. C'est même lui qui avait blousé la sécurité néerlandaise pour infiltrer le matériel son et vidéo dans les bagages de l'équipe le soir de Pays-Bas - Angleterre. La diffusion du film, alors que les Trois Lions échouèrent à se qualifier, eut des répercussions affreuses pour Taylor, jusqu'à la fin de sa vie, en 2017. De ce documentaire, intitulé « Impossible job », le sélectionneur sortit abîmé, discrédité, ridiculisé. Dans une séquence, on le voit apostropher le quatrième arbitre à la fin du match crucial perdu à Rotterdam : « L'arbitre m'a fait perdre mon boulot, tu le remercieras ! » Il perdra son boulot, effectivement. Tout s'écroule sous les yeux des téléspectateurs. À l'heure de jeu, Ronald Koeman sèche David Platt qui file au but. La couleur du carton (jaune) rend fou Taylor qui touche et enguirlande le quatrième arbitre. Deux minutes plus tard, Koeman ouvre le score sur coup franc, après que l'arbitre lui a donné l'occasion de le retirer. Taylor n'a jamais eu la force de regarder le film. Le réalisateur Ken McGill a, lui, beaucoup culpabilisé des conséquences post-diffusion. « Si on avait dû utiliser une voix off, alors on aurait échoué » Trois ans plus tard, Rees et Humphreys veulent aller encore plus loin dans l'introspection d'une équipe. « Ce qui changeait, c'était notre façon d'observer le sujet, explique Humphreys. Tout devait être en prise directe, sans barrière. D'habitude, dans les docs de sport, il s'agissait principalement d'images de la compétition agrémentées d'interviews. Nous, on a voulu une immersion complète. Pas d'interview posée. Si on avait dû utiliser une voix off, alors on aurait échoué. On aurait dicté une histoire et ce n'était pas du tout le projet. » Les compères s'intéressent avant tout à ce qu'on ne voit jamais ni n'entend. Pour réussir leur affaire, ils ont besoin d'un accès quasiment total à tous les recoins. Ils l'obtiennent. Les filous obtiennent aussi une faveur de Jim Telfer et Ian McGeechan, légendes du rugby écossais et co-entraîneurs des Lions en 1997. « Quel était le deal avec Jim et Ian ? Le deal, c'est qu'il n'y avait pas de deal, rigole Fred Rees. Dès le premier jour, on leur a dit que nous les appareillerions chacun d'un micro-cravate. Ils ne voulaient vraiment pas, ils voyaient ça comme une distraction, un parasite. On leur a dit que c'était dans le contrat et ils ont accepté. Bien sûr que non, ce n'était pas dans le contrat. » « Jason Leonard a donné son aval en précisant : ''Si je vous fais un regard, et vous le connaissez ce regard, vous coupez'' » La force de Living with the Lions commence là, en permettant au téléspectateur de devenir le témoin des conciliabules tactiques entre les coaches, pendant les entraînements, comme pendant les matches. On devient la petite souris qui entend leurs apartés. Qui entend Telfer et McGeechan expliquer pourquoi tel joueur vaudra mieux que tel autre pour le prochain test. « Pour s'approcher au plus près des joueurs dans le vestiaire, il nous fallait un allié de poids, raconte Rees. On est allé voir Jason Leonard (l'ancien pilier anglais), cadre parmi les cadres. Il a donné son aval en précisant ceci : ''Si je vous fais un regard, et vous le connaissez ce regard, vous coupez''. C'est comme ça qu'on a pu tourner ces scènes très fortes, juste avant l'entrée dans l'arène, ces scènes de groupe où les mecs ont besoin de se serrer et où les mots claquent. Ce qui est marrant, c'est que Martin Johnson (capitaine pendant cette tournée) n'a aucun souvenir de notre présence dans le vestiaire alors qu'on n'est pas des gars physiquement discrets. On mesure 1,90 m. Notre avantage, c'est qu'on nous avait donné les mêmes tenues officielles que les joueurs. Ça a sûrement aidé au camouflage. » Si ce film a marqué plusieurs générations, et en marquera d'autres, c'est qu'il plonge dans la vie sociale d'une équipe en route vers un exploit (les Lions remporteront la série 2-1), du moment le plus potache au plus poignant. On rigole en regardant le talonneur irlandais Keith Wood déguisé en juge de la Cour suprême, « perruqué » comme dans Barry Lindon, animant les débats d'un tribunal délirant. On rit aussi au sens de la répartie du deuxième-ligne écossais Doddie Weir (décédé en 2022 des suites de la maladie de Charcot) quand, pour un exercice, un faux journaliste lui assène, pendant une fausse conférence de presse, qu'il a été pris en photo au Cap en sortant de boîte à trois heures du matin : « Erreur d'identité », balance l'accusé. Les ''fuck'' de Keith Woods, la blessure de Doddie Weir, la frayeur Will Greenwood... On compatit avec le géant écossais lorsqu'il est filmé, seul dans le vestiaire, et qu'il sait que cette blessure vient de ruiner sa tournée beaucoup trop tôt. « Pendant le montage, on avait demandé à Keith Wood s'il ne valait mieux pas qu'on retire quelques ''fuck'' de sa bouche, se rappelle Duncan Humphreys. On lui a montré les coupes. ''Non les gars, remettez-les tous, sinon ça ne sonne pas juste, ce n'est pas moi '', nous a-t-il demandé. Quant à Doddie, c'était super émouvant. Il s'en foutait qu'on le filme. Ce qui lui importait, c'était que sa tournée était foutue, qu'il allait laisser ses potes. » Une autre scène a marqué les esprits : celle où le centre anglais Will Greenwood, au plus mal après une collision, est en train d'avaler sa langue. Inconscient pendant dix-sept minutes, Greenwood frôla le pire ce jour-là. « Le sens de notre présence, c'était aussi de montrer ces images, dit Rees. Elles sont dures mais elles font partie de l'histoire de cette tournée. » Leur caméra sut saisir le côté râpeux des entraînements, en montrant par exemple la bagarre qui éclata entre deux talonneurs des Lions (Mark Regan et Barry Williams) au beau milieu d'une séance de mêlée. « Aujourd'hui, avec l'hyper contrôle des gens de communication et les réseaux sociaux, je ne pense pas qu'on pourrait refaire ce film, suppose Fred Rees. De nous-mêmes, on retirerait peut-être une ou deux séquences parce que la société a changé et que certaines choses ne passeraient plus. Mais pas davantage. » « J'ai vu ce film et à la fin, je n'avais qu'une envie : faire partie de ça » Brian O'Driscoll La première mouture de Living with the Lions durait neuf heures. La version définitive s'arrêta à 2h47. Avec, bien sûr, deux morceaux de bravoure. Le discours de Ian McGeechan devant tout le groupe juste avant le deuxième test. Et celui, churchillien, de Jim Telfer avant le premier match de la série, quand il s'adresse aux avants assis en rond à côté de lui. « C'est votre Everest les garçons. Très peu de joueurs de rugby ont eu la chance de le gravir. Les Boks ne vous respectent pas, vous ne valez rien pour eux. La seule façon de changer ça, c'est de leur en coller une, de leur rentrer dedans, de les faire reculer sur chaque plaquage, chaque mêlée, chaque maul... » Demi de mêlée de cette équipe, Matt Dawson ne remerciera jamais assez les deux réalisateurs de lui avoir permis de voir cette scène qui lui aurait été interdite sans le film. Tant et tant de futurs Lions, de Johnny Sexton à Sam Warburton, ont visionné le doc de nombreuses fois. « Moi aussi, dit Paul O'Connell. Ce film a eu un grand impact sur moi. C'est lui qui m'a fait tomber amoureux du rugby. » Quand on lui présenta Fred Rees, Brian O'Driscoll lui tint le même discours : « J'ai vu ce film et à la fin, je n'avais qu'une envie : faire partie de ça. Merci de m'avoir donné une carrière. » Après 1997, chaque tournée des Lions a eu droit à son film. « Mais sans nous, ils ne nous ont jamais appelés, confie Rees. C'est assez stupide non ? » Inutile de vous faire un croquis : vu le succès considérable du film, l'idée née dans le pub était excellente et a été reprise à bon compte. Le coup de génie de Fred Rees et Duncan Humphreys bénéficia en plus d'une dernière caresse du destin. « En 1997, raconte Fred Rees, Living with the Lions est sorti en VHS avant d'être recommercialisé, dès l'année suivante, sur un nouveau support qui se démocratisait : le DVD. Timing parfait, n'est-ce pas ? »

Rugby : Kolisi de retour avec les Springboks pour affronter la Géorgie
Rugby : Kolisi de retour avec les Springboks pour affronter la Géorgie

Le Figaro

timea day ago

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Rugby : Kolisi de retour avec les Springboks pour affronter la Géorgie

De retour de blessure, Sya Kolisi va disputer son premier match contre la géargie. Le capitaine Siya Kolisi, de retour de blessure, fera sa première apparition de la saison avec l'Afrique du Sud, alors que les Springboks comptent trois débutants pour le test unique contre la Géorgie, samedi à Nelspruit. Kolisi jouera au poste de flanker aux côtés de Pieter-Steph du Toit et du numéro huit Cobus Wiese, ce dernier prenant la place de son frère Jasper, suspendu pour quatre matches à la suite d'un carton rouge reçu lors de la victoire 45-0 contre l'Italie samedi dernier. Eben Etzebeth de retour Eben Etzebeth fait son retour dans l'équipe avec Ruan Nortje en deuxième ligne, tandis que les piliers Boan Venter et Neethling Fouche font leurs débuts avec les quadruples vainqueurs de la Coupe du monde de rugby. Marnus van der Merwe occupe le poste de talonneur dans une première ligne entièrement renouvelée. Sacha Feinberg-Mngomezulu est de retour à l'ouverture, aux côtés du demi de mêlée Grant Williams, auteur d'une performance remarquable face aux Italiens. Damian de Allende et Canan Moodie forment la paire centrale. Kurt-Lee Arendse et Edwill van der Merwe évoluent sur l'aile, tandis qu'Aphelele Fassi revient sur l'équipe à l'arrière. L'entraîneur Rassie Erasmus a désormais utilisé 46 joueurs lors de trois matches jusqu'à présent cette saison alors qu'il continue de renforcer la profondeur de l'équipe. «Nous voulions nous assurer que Siya était à 100% en forme avant de le sélectionner, c'est donc formidable de l'avoir de retour dans l'équipe, tandis que Boan, Marnus et Neethling se sont entraînés dur et méritent leur chance», a déclaré Erasmus. Publicité Équipe d'Afrique du Sud : 15–Aphelele Fassi, 14–Edwill van der Merwe, 13–Canan Moodie, 12–Damian de Allende, 11–Kurt-Lee Arendse, 10–Sacha Feinberg-Mngomezulu, 9–Grant Williams, 8–Cobus Wiese, 7–Pieter-Steph du Toit, 6–Siya Kolisi (capitaine), 5–Ruan Nortje, 4–Eben Etzebeth, 3–Neethling Fouche, 2–Marnus van der Merwe, 1–Boan Venter Remplacements : 16 – Bongi Mbonambi, 17 – Thomas du Toit, 18 – Vincent Koch, 19 – RG Snyman, 20 – Kwagga Smith, 21 – Faf de Klerk, 22 – Handre Pollard, 23 – Damian Willemse. (Reportage de Nick Said, édité par Christian Radnedge)

Quand les Lions britanniques ont joué avec l'apartheid en 1974
Quand les Lions britanniques ont joué avec l'apartheid en 1974

L'Équipe

timea day ago

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Quand les Lions britanniques ont joué avec l'apartheid en 1974

En s'envolant pour l'Afrique du Sud en 1974, les Lions avaient privilégié leur soif de reconnaissance sportive à leur conscience politique. Leurs victoires ne les y auront pas protégés de la controverse. Laissant un héritage nuancé de la lutte anti-apartheid, sur lequel s'est penché Dugald MacDonald, ancien Springbok de l'époque, en exhumant un incident : une interruption de match au Cap par des étudiants activistes. Il existe un trait commun entre la tournée des Lions britanniques et irlandais qui sillonnaient l'Afrique du Sud en pleine période covid, début juillet 2021, et ceux de leurs prestigieux aînés partis défier les Springboks en 1974, et c'est Eddie Butler, espiègle, qui nous l'avait fait remarquer. « À l'époque déjà, les Lions avaient dû vivre dans une sorte de bulle et ne pouvaient pas sortir de leur hôtel à Londres, avant leur départ », souriait l'ancien international gallois des années 80, devenu journaliste curieux, auteur d'un documentaire sur cette épopée, et décédé en septembre 2022. Mais si en 2021, les joueurs tentaient de se préserver d'une pandémie, c'est l'opprobre publique qu'ils voulaient alors éviter : devant leurs quartiers, les manifestations anti-apartheid s'étaient multipliées, les enjoignant de renoncer à leur voyage austral. « Depuis le milieu des années 1960, poursuivait Butler, il y avait eu en Europe une forte sensibilisation à la réalité du régime de ségrégation et les joueurs ne pouvaient pas dire qu'ils ignoraient la situation. » Certains en avaient ainsi clamé leur dégoût, comme le Gallois John Taylor, écoeuré par ce qu'il avait vu de l'Afrique du Sud en 1968, lors de la précédente tournée des Lions. Le troisième-ligne avait ensuite refusé d'affronter les Springboks avec Galles en 1969 et finalement boycotté le périple de 1974, imité ensuite par son compatriote Gerald Davies. Surfer sur la gloire de 1971 et la tournée victorieuse en Nouvelle-Zélande Le gouvernement britannique lui-même avait publiquement désavoué ce projet sportif. Il avait demandé à son corps diplomatique en Afrique du Sud de garder ses distances avec les rugbymen quand ils y seraient arrivés. Mais la plupart des Lions s'étaient obstinés, obnubilés par un seul et unique alibi : la quête de la gloire sportive. Ils sortaient auréolés d'une tournée victorieuse en Nouvelle-Zélande en 1971, et avec une génération dorée, emmenée par le capitaine irlandais, Willie John McBride, un colosse rocailleux, et une cohorte de Gallois surdoués, les JPR Williams ou autres Gareth Edwards - Phil Bennett à la charnière. Ils voulaient parachever leur légende contre leur autre adversaire mythique, les Boks. Les Lions y seront parvenus, d'ailleurs, ravageant le rugby sud-africain, avec 21 victoires en 22 matches, dont trois succès pour un nul en quatre tests. Ils y auront forgé leur histoire, aussi, entre un surnom, les Invincibles, et une réputation de solidarité absolue, incarnée par leur fameux appel « 99 », ce chiffre qu'ils devaient hurler comme un signe de ralliement pour répondre aux brutalités physiques que les joueurs sud-africains se permettaient parfois. Mais près d'un demi-siècle plus tard, une question obsédante résonne encore plus fort. Auraient-ils dû, eux aussi, boycotter cette tournée pour blesser encore plus fortement le régime d'Apartheid ? « Je voulais qu'on les expulse du terrain, ils interrompaient notre match ! » Dugald MacDonald Paradoxalement, c'est un joueur sud-africain de l'époque qui s'est plongé récemment dans ce puits de tourmente morale. Avant de former, à la fin des années 1970, la troisième-ligne du Stade Toulousain, encadré par Jean-Claude Skrela et Jean-Pierre Rives, Dugald MacDonald s'y était frotté, à ces Lions. Et c'est une banale valise de cuir qui l'a replongé dans l'époque, celle où son père avait religieusement collecté les coupures de presse retraçant sa carrière de numéro 8. MacDonald l'a rouverte enfin au milieu des années 2010 et ce n'est pas le rugby qui a le plus frappé son imaginaire. Il y découvre la photo d'une jeune femme, les deux yeux protégés par des compresses médicales, un étrange sourire douloureux sur les lèvres. Jenefer Shute venait d'être victime de brutalités, parce qu'avec d'autres activistes sud-africains, elle avait interrompu un match de semaine entre les Lions et une sélection des universités du Cap et de Stellenbosch, en pénétrant sur la pelouse du Newlands, bannière anti-apartheid à la main. « Je me souvenais vaguement de cet incident », nous confesse-t-il. Il était de ce match, pourtant, ce jour-là, et on peut l'observer photographié, à l'autre bout du terrain, comme ses coéquipiers ou adversaires, une main impatiente posée sur une hanche trépignante. « Je voulais qu'on les expulse du terrain, ils interrompaient notre match ! », se souvient-il. Un demi-siècle plus tard, sa réaction a été moins épidermique : Dugald MacDonald s'est replongé dans l'épisode pour retrouver certains de ces manifestants, les comprendre, il a aussi fouillé les archives et tenté d'en mesurer la portée. « Le rugby faisait partie de ma culture, mais je le détestais pour toute l'idéologie du mâle blanc qu'il drainait » Jenefer Shute C'est ainsi qu'il a remonté la trace de Jenefer Shute. Et du destin de celle qui était alors une jeune étudiante de 17 ans, il a tiré un documentaire, Blindside. « Quand Dugald m'a contactée pour reparler de cet épisode, j'ai failli m'évanouir !, nous a avoué l'élégante sexagénaire, depuis sa ville de New York. Parce que j'avais mis un voile sur cette partie de ma vie et la dernière personne à laquelle je m'attendais pour la réveiller, c'était bien un joueur ! » Shute, devenue écrivaine, s'est réconciliée avec cette mémoire, qu'elle nous a dessinée tout en sensibilité. « J'étais en première année à l'université du Cap (UCT). Je venais d'un milieu qui, pour les standards sud-africains, n'était pas si conservateur, mais ma mère était ouvertement raciste, parce que c'était comme ça qu'elle avait été élevée, à profiter de son existence de blanche dont le confort reposait sur le travail des noirs. Moi, je me sentais coupable, je ne voulais pas vivre comme ça », se révolte-t-elle. UCT est un bon refuge, progressiste, où elle affine peu à peu sa conscience politique. En cet hiver austral 1974, les étudiants essayent donc de suggérer à leur équipe de rugby de ne pas affronter les Lions, mais un vote balaie ce moyen d'action. Les plus décidés fomentent alors autre chose. D'autant plus facilement que le rugby est un symbole de l'oppression qu'ils veulent combattre. « Le rugby faisait partie de ma culture, mais je le détestais pour toute l'idéologie du mâle blanc qu'il drainait », réfléchit-elle. Avant de revenir à l'action : « avec ce petit groupe, on était entre 15 et 20, on a pensé à perturber ce match. J'avais 17 ans, j'étais passionnée, dans l'émotion, on ne réfléchissait pas toujours aux conséquences... ce que j'aurais peut-être dû faire ! Mais quand l'idée a surgi, j'ai accepté ! » Une bonne partie des spectateurs s'est précipitée sur la pelouse... Pour en chasser les manifestants Et lors de cet après-midi où l'hiver du Cap cinglait les visages de pluie et de vent, où la pelouse du Newlands n'était que boue humide, tout s'est accéléré. « Il y avait tellement d'adrénaline que tout m'a paru se dérouler dans le silence, au ralenti, comme dans un tunnel. J'étais si concentrée sur ma mission, courir et déployer la bannière... » Celle-ci crie : « We're playing with apartheid » (voir photo ci-dessous). Nous jouons avec l'apartheid. Un demi-siècle plus tard, Shute s'interroge encore, comme une auteure qui a appris le poids des mots : « je me demande pourquoi on n'a pas écrit « vous jouez avec l'apartheid ! » Mais le message était passé : pour la première fois, sur une pelouse sud-africaine, une rencontre sportive, de la discipline reine, était interrompue par un acte politique. Les Sud-Africains avaient reçu l'écho du harcèlement activiste qui avait accompagné les Springboks lors de leur tournée au Royaume-Uni en 1969-1970. Mais pour la première fois, ils l'avaient sur leur propre terre, sous leurs propres yeux. D'abord sidérés. Puis coléreux. Parce qu'après un moment de stupeur, une bonne partie des spectateurs s'est précipitée sur la pelouse... Pour en chasser les manifestants (voir photo ci-dessous) ! « Ils nous ont aussi agressés physiquement puis la police les a suivis et une partie de la foule les encourageait de la voix, poursuit Shute. À ce jour, je ne sais pas qui m'a frappée. Un spectateur avec un parapluie, ou un policier ? J'aimerais savoir. Mais en tout cas, on allait quitter la pelouse quand, BAM, dans mon visage... Je n'ai rien vu venir. » Le nez fracturé et un oeil sévèrement touché, qu'elle a failli perdre, la jeune femme doit passer dix jours à l'hôpital. Dix jours où se met en branle l'impitoyable machinerie policière du régime d'apartheid, celle qu'avaient choisi d'ignorer les Lions. « Ma mère était venue à mon chevet et se sentait déjà honteuse de mon geste » « On n'a pas été arrêtés à ce moment-là, ce qui est assez surprenant ! Mais un policier est allé rendre visite à ma mère, qui était venue à mon chevet et se sentait déjà honteuse de mon geste, comme si j'avais jeté la disgrâce sur notre famille. Le policier lui a offert un verre d'alcool, elle qui ne buvait jamais, pour la faire parler. Puis un policier est venu m'interroger. » La pression de la Special Branch, cette section de l'arsenal répressif, se met en place, insidieuse et obscène : « les gens ne s'en rappellent plus, mais tous les mouvements anti-apartheid étaient interdits et il était illégal de participer à une manifestation de plus de quatre personnes. La presse était censurée. Et la police n'était pas subtile du tout, elle pouvait ouvrir votre courrier ou s'installer sur une simple boîte en face de chez vous pour vous observer. » Ostensiblement. « Depuis cette période, j'ai peur de la police sud-africaine. » Qui a fini par prendre contre elle une autre de ses classiques mesures de pression : lui confisquer son passeport. Et la résoudre, en 1978, à s'exiler aux États-Unis. Shute y vit toujours, plus apaisée. À faire preuve d'empathie envers ces jeunes hommes qui ne pensaient qu'ovale : « Parce qu'où allez-vous tracer la ligne ? Chaque pays est coupable d'une forme d'injustice voire d'une atteinte aux droits de l'homme. Qui décide lequel est si mauvais qu'on ne doit plus y mettre le pied ? Qui décide lequel est si pur que vous pouvez y aller ? » Le questionnement a fini par tourmenter les Lions de l'époque, aussi. Deux rencontres contre des sélections de « Coloured » Et toujours Dugald MacDonald, qui n'en a tiré qu'une certitude : « si les Lions avaient boycotté, le régime aurait été sous pression, oui. Mais en venant, ils ont aussi produit cet effet ! » Peut-être pas en jouant deux rencontres contre des sélections de « Coloured », les métis, ou de Noirs. Dans un documentaire irlandais de 2009 sur les Invincibles, le capitaine des Proteas, l'équipe des Coloured, assurait : « le match nous a fait prendre conscience qu'on était de bons joueurs, et pas une sorte de sous-espèce de qui que ce soit ! » Mais dans un autre documentaire, de la BBC, Gareth Edwards, rugby, apartheid and me, un joueur qui avait refusé sa sélection dans une de ces deux équipes qu'il considérait, comme de nombreux coéquipiers, comme un alibi offert au régime, a expliqué au demi de mêlée gallois : « si vous n'étiez pas venus en tournée, notre réunification et notre transformation seraient arrivées plus vite ! » Ce dilemme-là, MacDonald l'écarte donc. Pour mieux se replonger dans des faits qu'il a pu vivre lui-même. Il y a d'abord le soutien des populations non-blanches qui, en 1974, dans le ciel ouvert des stades comme dans l'horizon obscur des geôles, avaient fait des Lions leurs favoris. Les Lions eux-mêmes avaient d'abord été surpris de voir les spectateurs Coloured et noirs, parqués dans leurs propres gradins, nouvelle dégradation de la ségrégation, les supporter ouvertement. Les spectateurs Coloured et noirs parqués dans leurs gradins et salués par les Lions après les matches Ils avaient fini par en jouer, en allant les saluer, sachant aussi qu'ils blessaient ainsi les Springboks. Qui avaient aussi un autre ennemi heureux de savoir les Lions triomphants : Madiba. L'anecdote a plusieurs versions qui lui donnent un accent apocryphe mais Ian McGeechan a livré la sienne au Guardian. Lui, le centre de 1974, raconte qu'à son arrivée en Afrique du Sud en 1997, alors qu'il était devenu entraîneur, il a reçu la visite du ministre des Sports, Steve Tshwete. Il lui a confié qu'il n'avait pas raté une minute des retransmissions radiophoniques des matches des Lions, avec son compagnon de cellule à Robben Island, Nelson Mandela. « Et Tshwete a dit à McGeechan, nous ajoute Dugald MacDonald : ''ne sous-estimez jamais ce que les victoires des Lions ont fait pour ce pays'' ». Voilà ce à quoi croit MacDonald, pour l'avoir vécu dans sa chair de joueur, pour sa seule et unique sélection de Springbok. Il était titulaire lors du deuxième test, au Loftus, à Pretoria. Une déroute, la plus sévère défaite des Boks à l'époque, 28-9 : « Le commentateur l'avait alors décrit comme le match le plus important de l'histoire du rugby sud-africain. Les Lions avaient instillé cette peur dans nos coeurs : ils pouvaient détruire notre crédibilité rugbystique ! Le rugby sud-africain victime de son isolement J'ai joué ce match et je peux témoigner de l'effet traumatisant qu'il a eu sur chacun de nous. Une foule de 65 000 spectateurs réduite au silence... Un choc psychologique. Le rugby, c'était là où on pouvait encore triompher. Le monde pouvait bien nous critiquer pour le reste mais le rugby, c'était encore là où on pouvait prétendre battre n'importe qui. Mais là, voir cette équipe venir ici, nous égorger dans notre cathédrale... » Une cathédrale ébranlée et une prise de conscience pour le rugby sud-africain. Son isolement érode peu à peu sa compétitivité. Alors, une première pierre bouge dans cet édifice ultra-conservateur, fierté afrikaner où même les Sud-Africains d'origine anglaise sont suspects. « En 1974, il y avait eu le projet d'une première équipe multiraciale pour affronter les Lions, à travers les Quaggas, des Barbarians sud-africains, explique MacDonald. Mais après avoir accepté un temps l'idée, le ministre des Sports l'avait enterrée. L'année suivante, pour combattre l'isolement, Danie Craven, le président de la Fédération, avait demandé à la France de venir en Afrique du Sud. Albert Ferrasse avait accepté, à une condition : que les Bleus puissent affronter une équipe multiraciale. Craven est alors revenu à la charge auprès du premier ministre et a obtenu satisfaction. Le match a bien eu lieu, en 1975, et j'en étais. La première équipe multiraciale depuis l'instauration de l'apartheid. C'était extraordinaire ! » Et peut-être, un an après leur passage, la vraie victoire inattendue des Lions.

France - Nouvelle-Zélande U20 : «Je retiens les occasions manquées», regrette le sélectionneur des Bleuets
France - Nouvelle-Zélande U20 : «Je retiens les occasions manquées», regrette le sélectionneur des Bleuets

Le Figaro

time2 days ago

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France - Nouvelle-Zélande U20 : «Je retiens les occasions manquées», regrette le sélectionneur des Bleuets

Les Bleuets, battus ce lundi par les Baby Blacks (34-26) en demi-finale, ne disputeront pas une cinquième finale consécutive au Mondial U20. «On manque de précision dans le dernier geste. Le fait de courir après le score toute la partie entraîne de l'impatience, qui amène de la frustration et qui se termine en précipitation. On a mal maîtrisé plusieurs opportunités. Eux ont été pragmatiques. Je retiens les occasions manquées. On a eu de multiples occasions de passer devant, de marquer, et on manque de précision dans le dernier geste. Ce sont nos erreurs qui nous coûtent le match», a regretté le sélectionneur des Bleuets Cédric Laborde. Dans leur première finale depuis leur titre en 2017, les Néo-Zélandais seront opposés, samedi (20h30), aux Sud-Africains, qui ont écrasé l'Argentine (48-24) dans l'autre demi-finale. Des Pumitas que les Bleuets retrouveront pour la troisième place (samedi à 18h).

Afrique du Sud: le ministre de la Police «mis en congé» après des accusations de corruption
Afrique du Sud: le ministre de la Police «mis en congé» après des accusations de corruption

Le Figaro

time3 days ago

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Afrique du Sud: le ministre de la Police «mis en congé» après des accusations de corruption

Le président sud-africain Cyril Ramaphosa a annoncé dimanche avoir «mis en congé avec effet immédiat» son ministre de la Police, visé par des accusations de corruption lancées par un haut responsable de la police une semaine plus tôt, dans ce qui s'apparente à une guerre de clans. En Afrique du Sud où la corruption est endémique, la prise de parole présidentielle était très attendue après une semaine de spéculation sur le sort de Senzo Mchunu, devenu ministre de la Police il y a un an à la suite des élections générales. Publicité Le commissaire à la tête de la police dans le KwaZulu-Natal (est), une des neuf provinces du pays, l'a accusé le 6 juillet d'avoir des liens avec un homme poursuivi pour corruption et soupçonné de tentative de meurtre, lors d'un point presse particulièrement théâtral. Entouré d'officiers cagoulés, ce très haut gradé lui a aussi reproché d'avoir dissout une unité de la police spécialisée dans l'enquête sur les meurtres politiques. Au cours de son allocution télévisée dimanche, le président Ramaphosa a également annoncé la création d'«une commission d'enquête judiciaire» pour faire la lumière sur le «rôle de hauts responsables publics actuels ou passés» et leur liens éventuels avec le crime organisé. Elle devra rendre de premiers rapports dans trois puis six mois. Le ministre étant mis sur la touche «pour que la commission puisse accomplir son travail de la meilleur manière», un «ministre par intérim» de la Police a été nommé en la personne de Firoz Cachalia. Ce professeur de droit et issu du même parti, l'ANC, a dirigé le conseil national consultatif de lutte contre la corruption. Senzo Mchunu (67 ans), qui était cité dans les médias comme un des candidats de la faction centriste de l'ANC pour succéder à Cyril Ramaphosa, a nié ces «insinuations faites sans preuve ni procédure régulière». Publicité L'ex-patron de l'unité démantelée, dont l'efficacité était contestée, a été arrêté pour des soupçons de fraude et corruption fin juin. Il s'agit d'un proche du commissaire Nhlanhla Mkhwanazi ayant lancé les accusations contre le ministre, d'après plusieurs médias sud-africains. M. Mkhwanazi fait lui-même l'objet d'une enquête pour des soupçons de corruption dans l'attribution d'un marché de gilets pare-balles, a rapporté dimanche l'hebdomadaire sud-africain Sunday Times. L'Afrique du Sud se classe 82e dans le monde selon l'indice de perception de la corruption de l'ONG Transparency International.

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